Lorsqu’ils souhaitent comparer la luminosité des projecteurs, les acheteurs potentiels seront naturellement enclins à se fonder sur les valeurs indiquées dans les spécifications de chaque projecteur. En effet, l’utilisation par l’industrie d’une unité standard, le lumen ANSI, pour mesurer la luminosité des projecteurs, permet aux consommateurs d’établir, en apparence, des comparaisons entre des pommes et des pommes. Cependant, cette attention accordée aux spécifications et aux lumens ANSI n’est pas toujours de bon conseil dans l’évaluation de la luminosité, car elle se fait au détriment d’un aspect tout aussi important : les performances chromatiques.
Comme indiqué précédemment, le lumen ANSI a été adopté comme unité standard pour mesurer la luminosité sur le marché des projecteurs. Développé par l’American National Standards Institute (ANSI), le lumen ANSI est une unité dérivée de la moyenne des valeurs de luminosité relevées (par un luxmètre) à partir de plusieurs points, sur un écran blanc projeté. Son utilisation généralisée sur le marché des projecteurs est due à l’objectivité de sa méthodologie et à sa fiabilité implicite, qui induit les consommateurs à penser qu'une valeur plus élevée en lumens ANSI se traduit par un projecteur plus lumineux qu'un autre.
Les lumens ANSI sont-ils la seule et unique façon d’évaluer la luminosité d’un projecteur ? Un examen plus approfondi de la question révèle que l’utilisation des lumens ANSI ne tient pas compte d’un élément d'une grande incidence dans l'évaluation de la luminosité d’un projecteur.
Bien que les lumens ANSI représentent une mesure indéniablement objective – méthodologie normalisée, utilisation d’instruments – il est légitime de mettre en cause sa pertinence dans l'évaluation des projecteurs. En effet, les images projetées sont destinées à être vues, et la vue est subjective. Ainsi, les lumens ANSI, en tant que mesure objective, ne tiennent pas compte de la physiologie de la vision humaine, qui est susceptible d’affecter la façon dont nous percevons une image et sa luminosité. Par exemple, l’utilisation des lumens ANSI néglige le potentiel de l’effet Helmholtz-Kohlrausch.
L’effet Helmholtz-Kohlrausch, le plus courant dans les lumières colorées, est le phénomène par lequel une personne perçoit des couleurs très saturées comme plus lumineuses qu’elles ne le sont « objectivement » en raison du fonctionnement de l’œil. Cet effet se ressent surtout lorsque l’on compare des couleurs ayant le même niveau de luminance (c.-à-d. la même luminosité), mais des niveaux de saturation différents ; dans ces situations, la couleur la plus saturée (ou « la plus pure ») semblera plus lumineuse que toutes les autres couleurs, à valeurs de luminance égales. Le phénomène est tel que les lumières colorées peuvent apparaître plus brillantes qu’une lumière blanche, au même niveau de luminance.
Dans l’image ci-dessus, toutes les couleurs présentent la même luminosité mesurée, mais les couleurs les plus saturées semblent plus lumineuses
Ainsi, sur le marché des projecteurs, les appareils capables de générer des couleurs plus saturées pourront produire des images plus lumineuses que ne l’indiquent leurs spécifications, car la plupart du temps, les valeurs de luminosité sont exprimées en lumens ANSI « objectifs ». En d’autres termes, les performances chromatiques d’un projecteur contribuent non seulement à sa capacité à produire des images précises, mais également à accroître la luminosité de ces images. Ceci est particulièrement vrai pour les projecteurs qui utilisent des LED ou des lasers comme source lumineuse, par opposition aux projecteurs qui utilisent une lampe traditionnelle, car ces technologies offrent de meilleures performances chromatiques. Lors de leur recherche de projecteur, les consommateurs auront tout intérêt à ne pas effectuer de comparaison uniquement en fonction de la valeur des lumens ANSI d’un projecteur – ce qui fera pencher la balance en faveur des projecteurs avec des lampes traditionnelles qui produisent généralement une luminosité ANSI plus élevée. Il convient également de prendre en compte les performances globales du projecteur, en particulier ses performances chromatiques.
Bien que nous reconnaissions que la performance chromatique, comme résultat de l’effet H-K, peut avoir un impact positif sur la luminosité perçue d’un projecteur, il est important que nous discutions également des limites de cet effet, car son niveau d’efficacité peut contribuer aux bonnes performances d’un projecteur.
Lors de la définition de l’effet H-K ci-dessus, nous avons mentionné qu’il permettait aux lumières colorées hautement saturées de paraître plus lumineuses qu’une lumière blanche équivalente. En conséquence, avec les contenus visuels qui comportent une proportion plus élevée de blancs, de gris ou de couleurs non saturées, l’image projetée ne présentera pas une augmentation aussi importante de la luminosité. Par conséquent, les niveaux de luminosité résultants pour ce type de contenu seront beaucoup plus conformes à la valeur lumineuse ANSI originale indiquée pour le projecteur.
Comme l’effet H-K résulte directement des lumières colorées d’un projecteur, toute lumière ambiante (p. ex. les lumières de la pièce ou la lumière du soleil) qui contribue à la quantité totale de lumière dans la pièce diluera, par définition, la concentration en lumières colorées du projecteur, ce qui atténuera la saturation des couleurs perçue par l’œil et, par conséquent, la puissance de l’effet H-K.
L’effet H-K à lumières éteintes
L’effet H-K à lumières allumées
Pour illustrer ce concept, les graphiques ci-dessous comparent l’intensité des rouges de différentes sources lumineuses lorsque les lumières d’une pièce sont allumées et éteintes. Plus la bande passante d’une source lumineuse est étroite, plus son rouge est saturé. Il convient tout d’abord de noter que, quelle que soit la quantité de lumière ambiante, le niveau de saturation d’un projecteur laser est le plus élevé, suivi du projecteur à LED puis du projecteur à lampe. Ces graphiques illustrent l’effet de la lumière ambiante par la façon dont les lignes pour les projecteurs à lampe et à LED s’élargissent de manière significative une fois les lumières allumées. Ainsi, la lumière ambiante contribue à abaisser le niveau de saturation des rouges pour ces sources de lumière.
Graphique du spectre (rouge)
Lumières éteintes (éclairement = 0 lux)
Lumières allumées (éclairement = 90 lux)
Lumières allumées (éclairement = ~200 lux)
Laser
LED
Lampe
L’image ci-dessus montre l’effet réducteur d’une quantité plus importante de lumière ambiante sur la gamme de couleurs de chaque type de projecteur
Étant donné que la plupart des projecteurs à LED, où l’effet H-K est beaucoup plus prononcé, présentent des gammes de couleurs étendues qui tendent à dépasser la norme Rec. 709 et sRGB, tout contenu visuel basé sur ces gammes de couleurs plus étroites nécessite que le projecteur ajuste (c.-à-d. dégrade) ses couleurs pour correspondre au contenu. Comme prévu, l’atténuation des couleurs qui en résulte entraînera une atténuation de l’efficacité de l’effet H-K.
Comme indiqué en introduction, cette explication nous conduit à la suggestion suivante : les consommateurs qui souhaitent acquérir un nouveau projecteur ne doivent pas s'attacher uniquement au niveau de luminosité indiqué dans les spécifications. Il conviendra plutôt d’adopter une approche globale qui tienne compte de facteurs tels que l’espace dans lequel le projecteur sera utilisé (p. ex. les conditions d’éclairage) et le contenu à projeter (p. ex. la palette de couleurs de l’image), puis de fonder son choix sur le type de technologie (c.-à-d. lampe, LED ou laser) qui convient le mieux à ces conditions, tout en gardant à l’esprit le rôle joué par la performance chromatique dans la production d’images plus lumineuses.